Déviance et comportements à risque. Du politique au médiatique.
DÉVIANCE ET COMPORTEMENTS À RISQUE.
DU POLITIQUE AU MÉDIATIQUE : QUELS OBJETS, QUELS CONCEPTS, QUELS DISPOSITIFS ?
Colloque international
16, 17 et 18 décembre 2009
Université Paul Verlaine-Metz
La chronique du risque, du contrôle, de la prévention ou de la sanction tend à devenir notre actualité quotidienne. Des questions nouvelles, ou qui paraissent l’être, relevant de la santé, des mœurs, de la sécurité, de l’éducation ou de l’écologie font l’objet de dispositions législatives qui mettent en tension le rapport entre responsabilité collective et liberté individuelle. La lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, contre l’obésité ou les « délinquances routières » sont quelques exemples récents particulièrement polémiques.
Un certain sens commun y voit généralement une action unilatérale de l’État et des pouvoirs publics sur le citoyen. Or, au-delà d’une conception régalienne des fonctions de l’État, ces problématiques invitent à poser la question des processus de construction et de communication de l’action publique. Par quels mécanismes des pratiques, des représentations, des propos deviennent-ils plus ou moins faciles à assumer, selon qu’ils correspondent à une norme ou qu’ils suscitent la réaction sociale ?
De nombreux travaux en sciences sociales rendent compte de l’évolution du discours académique sur les thématiques liées à la norme. Dans les années 1950, la sociologie avait élaboré un concept central pour désigner l’ensemble des transgressions, des conduites désapprouvées et des individus marginaux : la déviance. Dans l’article « Déviance » du Traité de sociologie (Boudon), Maurice Cusson opère une classification de la déviance en sept catégories : les crimes et délits, le suicide, l’abus de drogues, les transgressions sexuelles, les déviances religieuses, les maladies mentales et les handicaps physiques. Depuis son apogée dans les années 1970, le concept de déviance est progressivement délaissé par la sociologie et la criminologie au profit de notions telles que risque et comportements à risque. Certains y voient « la formulation d’un changement de paradigme dans la réflexion scientifique sur les problèmes sociaux » (Groenemeyer). La pression des mouvements sociaux et la tendance au « politiquement correct » depuis les années 1990 auraient fini de faire leur œuvre.
Pour d’autres, il s’agit de repenser l’idée de société dans ses fondements. Contre l’unité de la vie sociale des États-nations, l’enjeu serait de repenser la société « à travers la représentation que nous en construisons dans les conflits sociaux, sur les scènes médiatiques et dans la vie politique » (Dubet, Martuccelli). Les travaux dominants dans le champ de la sociologie de la déviance se font l’écho de cette démarche lorsqu’ils dévoilent les jeux politico-médiatiques de la construction de la délinquance « jeune » (Mucchielli).
D’aucuns, encore, diagnostiquent l’émergence d’une société du risque, « car si nous vivons dans un monde plus dangereux qu’auparavant, le risque est désormais beaucoup plus qu’une menace : il est devenu la mesure de notre action » (Beck). La société post-industrielle, réflexive, prendrait conscience d’être son propre ennemi. Se prémunir contre les catastrophes et les gérer impliquerait une réorganisation du pouvoir et des attributions. Les risques et les dangers les plus examinés n’étant ni visibles ni tangibles, leur existence serait fondamentalement médiatisée par l’argumentation. Dans un autre domaine, on interroge toujours le pouvoir et le contrôle, mais à l’aune cette fois de la prolifération des récits et, surtout, de leur maîtrise : « Une nouvelle phase du contrôle social qui ajouterait aux disciplines et aux dispositifs interrogés par Foucault et Deleuze un pouvoir de narration qui s’exercerait directement sur l’imaginaire des individus ? » (Salmon).
À des approches dites sociologisantes ou psychologisantes, les recherches les plus récentes substituent donc des analyses fondées sur les interactions scientifiques, politiques, sociales et journalistiques qui questionnent des dispositifs de médiation.
L’objectif de ce colloque est de rassembler des chercheurs issus de disciplines plurielles (sciences de l’information et de la communication, sociologie, psychologie, droit, histoire, anthropologie, science politique, philosophie…), ainsi que des acteurs professionnels de l’action publique, pour confronter, sur des thèmes variés, les évolutions de l’appareillage théorique qui nous permet d’analyser les questions liées à l’ordre social et les facteurs de retournement des jugements normatifs et juridiques observés. Il s’agit en somme d’apporter des éléments de réponse à la question : par quels mécanismes nos sociétés construisent-elles la norme et son pendant, la déviance ?
Axe 1 : Théories des dispositifs de médiation de la déviance et du risque
L’analyse des usages et de l’émergence des concepts et notions tels que « déviance », « risque », « sécurité », « contrôle », « prévention », « assurance » intéresse particulièrement ce colloque en ce qu’ils semblent dorénavant qualifier/disqualifier l’ensemble des comportements individuels et collectifs et motiver – plutôt que prescrire – de nouvelles postures et conduites. La genèse des cindyniques, les sciences du danger, est une contribution souhaitée.
Du point de vue de l’analyse des processus de communication, sont attendues des propositions relatives à la définition des « dispositifs de médiation ». Les approches émergentes, relevant par exemple du storytelling, sont les bienvenues.
L’évolution des acceptions et des champs de « l’action publique », de la « sécurité civile » sont encore des thèmes à explorer dans le cadre du colloque.
Axe 2 : Études de cas : risque, objets et dispositifs
Quels objets, quels dispositifs politico-médiatiques sont-ils redevables de la « société du risque » ?
Les domaines d’études sont nombreux et la liste des thèmes ci-dessous se veut une invite à d’autres propositions. Les contributeurs veilleront cependant à inscrire les communications soumises dans un cadre théorique et à développer leur analyse en soulignant les processus de construction de leur objet dans l’espace public.
* dispositions sanitaires : tabagisme, alcoolisme, obésité/alimentation, maladies mentales, suicide, maladie d’Alzheimer, sexualité...
* mœurs : pédophilie, harcèlement sexuel…
* surveillance : dispositif de « veille » de l’opinion sur Internet, vidéosurveillance, scanner dans les aéroports, univers carcéral, traçage informatique des activités humaines...
* appartenance et liberté d’expression : appartenance religieuse et liberté de la presse, délit d’outrage…
* délinquance y compris dans ses expressions et dans ses modalités de contrôle les plus récentes : délinquance routière, radars automatiques, atteintes à l’environnement...
* perception du risque écologique et nouveaux comportements : collecte sélective des déchets, réchauffement climatique (e.g. débat bonus/malus)…
Axe 3 : Les acteurs professionnels et les enjeux de la construction du risque
Il s’agira ici de tenter de cerner les enjeux sociaux, psychologiques, politiques, économiques, culturels ou institutionnels des transformations à l’œuvre dans les pratiques de l’action publique, du point de vue des acteurs sociaux.
Entre autonomisation et régulation, légitimation, impératif délibératif, rôle des usagers dans l’évaluation des pratiques, quel regard les professionnels portent-ils sur l’évolution de leur action et l’extension de leur domaine de compétences ?
* professionnels de l’action publique : protection judiciaire de la jeunesse, médecins, inspecteurs du travail, acteurs de l’éducation nationale, policiers...
* Comment les journalistes perçoivent-ils et traduisent-ils la déviance et le risque dans les discours à destination du grand public ? Quelles déviances et quels risques ?
* presse spécialisée, presse nationale, presse quotidienne régionale, presse magazine, radio, télévision...
* Quel rôle les usagers et professionnels des secteurs concernés entendent-ils occuper dans la pratique de l’action publique ?
* milieu associatif : associations de lutte contre le tabagisme, l’alcoolisme, les violences routières, filières concernées par les interdictions...
* observatoires : observatoire européen de la violence à l’école, observatoire international des prisons...
Références
Beck U., 2003, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, trad. de l’allemand par L. Bernardi, Paris, Flammarion-Champs.
Cusson M., 1992, « Déviance », pp. 389-422, in : Boudon R., dir., Traité de sociologie, Paris, Presses universitaires de France.
Dubet F., Martuccelli D., 1998, Dans quelle société vivons-nous ?, Paris, Éds. du Seuil.
Groenemeyer A., 2007, "La normativité à l’épreuve. Changement social, transformation institutionnelle et interrogations sur l’usage du concept de déviance", pp. 421-444, Déviance et société, 4 (Volume 31).
Mucchielli L., 2005, Le scandale des « tournantes ». Dérives médiatiques et contre-enquête sociologique, Paris, La Découverte.
Salmon C., 2008, Storytelling. La machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits, Paris, La Découverte.
Comité scientifique
Axel GROENEMEYER, Professeur de sociologie et de criminologie, Universität Dortmund
Claude JAVEAU, Professeur de sociologie, Université Libre de Bruxelles
Danilo MARTUCCELLI, Professeur de sociologie, Université Charles-de-Gaulle-Lille 3
Vincent MEYER, Professeur en sciences de l’information et de la communication, Université Paul Verlaine-Metz
Laurent MUCCHIELLI, historien et sociologue (CNRS), directeur du CESDIP (Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales)
Stéphane OLIVESI, Professeur en sciences de l’information et de la communication, Université Lumière Lyon 2
Jacques WALTER, Professeur en sciences de l’information et de la communication, directeur du CREM (Centre de Recherche sur les Médiations), Université Paul Verlaine-Metz
Uli WINDISCH, Professeur de sociologie, communication et médias, Université de Genève
Modalités de soumission des propositions de communication
Date limite de réception des propositions : 15 mars 2009
Notification d’acceptation aux auteurs après examen en double aveugle par le comité scientifique : 30 avril 2009
Date limite d’envoi du texte intégral des contributions acceptées : 1er octobre 2009
Un protocole de rédaction précis sera adressé aux auteurs pré-retenus.
Format des propositions :
* 1 page isolée comportant le nom, l’appartenance institutionnelle, le titre de la communication et les coordonnées de l’auteur (adresse électronique, téléphone)
* Sur 2 autres pages : un résumé de la proposition de communication : 6000 signes (espaces compris, Word, Times 12, interligne 1,5) faisant apparaître le titre de la proposition, la problématique, le cadre théorique, la méthode et les résultats.
Langue du colloque : français
Frais d’inscription, comprenant le déplacement, l’hébergement, la restauration, les pauses et la publication des actes : 190 €
Les propositions de communication seront adressées à Isabelle GAVILLET :
gavillet@univ-metz.fr
Comité d’organisation
Audrey ALVES, Violaine Appel, Cécile BANDO, Hélène BOULANGER, Jean-François DIANA, Isabelle GAVILLET, Corinne MARTIN, Jean-Matthieu MEON, Céline SEGUR,
Sylvie THIEBLEMONT-DOLLET
Site du colloque : http://www.sha.univ-metz.fr/deviance/