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30 juillet 2008

Le financement de la recherche d’après le prix Nobel de physique

Entretien Le Prix Nobel Albert Fert plaide pour une recherche libre LE MONDE | 24.10.07 | 13h58 • Mis à jour le 24.10.07 | 13h59 Réagissez aux articles que vous venez de lire. Abonnez-vous au Monde.fr : 6€ par mois + 30 jours offerts

Couronné par le prix Nobel de physique 2007 pour ses travaux sur la magnétorésistance géante, qui ont permis de multiplier par cent les capacités de stockage d’informations des ordinateurs, Albert Fert plaide pour une recherche consciente des enjeux de société, mais libre dans sa démarche.

Auriez-vous décroché le Nobel avec le financement de la recherche sur projet que met en place le gouvernement ?

Non, s’il n’y avait eu qu’un financement sur projet. Quand j’ai commencé mon travail, une étape importante a été - après avoir établi un certain nombre de bases théoriques - de me lancer, avec un collègue de Thomson-CSF, dans un projet un peu aventureux : essayer de fabriquer des multicouches magnétiques. Ce travail a débouché sur la découverte de la magnétorésistance géante, mais, au départ, c’était un projet à risque dont personne ne pouvait savoir s’il allait aboutir. Le CNRS l’a financé, parce que cet organisme est capable de discuter avec les chercheurs et de les accompagner. Une agence de financement sur projet, elle, ne l’aurait jamais retenu : c’était à l’époque un sujet trop marginal et loin des thèmes à la mode.

Le rôle de l’Agence nationale de la recherche est pourtant de financer des projets innovants...

Une agence de financement est un instrument intéressant, pour booster certaines directions de recherche et soutenir les bonnes équipes. Mais elle choisit des thèmes, elle sélectionne des orientations. Le CNRS, lui, est en contact plus direct avec les chercheurs, ce qui lui permet d’être réactif sur des sujets nouveaux qui n’auraient pu être définis à l’avance. Une agence et un grand organisme n’ont pas la même fonction.

Le CNRS craint d’être transformé en agence de moyens finançant la recherche menée dans les universités, sans politique scientifique autonome. Que dites-vous au gouvernement ?

Qu’une réforme du système de recherche ne doit pas être dictée par des motivations idéologiques. Le CNRS a un rôle de coordination nationale, de stratégie à long terme, de gestion de grands instruments et de soutien de chercheurs sur des projets à risque, toutes tâches qu’il est seul à pouvoir assumer.

Gardons-nous de détruire cet outil, auquel notre pays doit la qualité de sa recherche ! Les crédits n’ont pas toujours été suffisants, mais le rapport qualité-prix y est excellent. Les derniers Prix Nobel français en physique - Pierre-Gilles de Gennes, Georges Charpak, Claude Cohen-Tannoudji et moi-même - ont tous accompli une partie importante de leur carrière, soit au CNRS, soit dans un laboratoire mixte CNRS-université.

Comment voyez-vous les rapports entre organismes et universités ?

L’objectif du gouvernement est de remettre les universités dans la course. C’est un bon objectif, mais il ne faut pas précipiter les choses. Les relations entre organismes et universités, en particulier pour la gestion des laboratoires communs, seront différentes quand les universités - du moins certaines d’entre elles - seront des moteurs de la recherche au même niveau que les organismes.

Le problème de l’université, c’est que les jeunes enseignants-chercheurs sont écrasés de charges d’enseignement et de tâches diverses qui les empêchent souvent d’être compétitifs au niveau international. Nous avons une génération de sacrifiés dont le potentiel n’est pas exploité. Il faut reconsidérer le problème des charges d’enseignement pour permettre aux meilleurs d’être aux premières places dans la compétition internationale.

Êtes-vous d’accord avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Valérie Pécresse, qui veut mettre la science "au service de la société" ?

Les chercheurs doivent être conscients des problèmes de société. Les progrès technologiques, les avancées médicales... contribuent bien sûr à la qualité de vie. Mais on ne peut pas imposer une finalité stricte à la recherche. Son parcours n’est jamais linéaire. Il faut laisser la recherche fondamentale se dérouler, les chercheurs suivre leurs idées, en zigzaguant, pour déboucher sur des découvertes et ensuite des applications.

Je n’ai pas démarré mes travaux en me disant que j’allais augmenter la capacité de stockage des disques durs. Le paysage final n’est jamais visible du point de départ.

Vous êtes directeur scientifique d’une unité mixte de recherche créée en 1995 par le CNRS et Thales (ex-Thomson-CSF). Quelles leçons tirez-vous de cette collaboration avec l’industrie ?

Mon contact avec l’industrie a été facile, parce que Thales a une forte tradition de recherche. Mais il subsiste en général dans notre pays un fossé entre le monde de la recherche publique et celui de l’industrie. Le transfert des connaissances en est moins rapide. Exemple de la réactivité des industriels américains : un mois à peine après avoir donné mes premières conférences sur la magnétorésistance géante, j’ai reçu la visite d’une délégation d’IBM...

Je plaide pour que davantage d’élèves des écoles d’ingénieurs préparent une thèse, et pour que l’industrie embauche davantage de doctorants. Une piste à suivre pourrait être d’associer le crédit impôt recherche à de telles embauches. Et puis, je suis choqué par la "ringardise" de l’enseignement scientifique (physique, chimie, technologies) dispensé, à quelques exceptions près, dans les grandes écoles où sont formées nos élites. Les sciences ne sont pas tout, mais, à mon avis, il faut être bon partout, y compris en sciences.

Propos recueillis par Pierre Le Hir

© Parcoursic. Equipe : Camille Laville, Laurence Leveneur, Aude Rouger. Site web : Aude Rouger. Site propulsé par Spip
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